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Le dysfonctionnement des services de formalités pour les entreprises : explications.

Date de publication 29-10-2024
Auteur Valérie Tazé

Depuis le 1er janvier 2023, les professionnels juridiques et les sociétés connaissent de grandes difficultés dans la réalisation des formalités liées aux entreprises. Ces difficultés freinent la vie économique des sociétés dans un contexte déjà compliqué. De nombreux acteurs intervenant dans ces domaines ont ainsi dénoncé voire contesté ce système.

L’état des lieux des actions laisse à penser que des mesures pourraient être prises pour son amélioration. A ce jour néanmoins, les acteurs de ce secteur subissent la situation et doivent composer avec les délais, les erreurs ou les « bugs ».

Pour rappel, dans le cadre de la loi PACTE de mai 2019, le gouvernement a souhaité créer un guichet unique et un registre national unique pour centraliser et simplifier les formalités des entreprises : le portail e-Procédures. Cette plateforme est gérée par l'INPI (Institut national de la propriété industrielle),depuis le 1er janvier 2023. Elle est l'unique service officiel pour réaliser les principales démarches d'entreprise. Son objectif est de simplifier les démarches des entreprises en centralisant tous les services antérieurs (greffe, chambre d’industrie, chambre de l’artisanat, URSAAF…) sur une seule plateforme.

Néanmoins, dès le début de sa mise en activité en 2023, la plateforme montre des incohérences, des « bugs » de sorte que les autorités administratives remettent en place une procédure d’urgence pour certaines formalités devant le greffe du tribunal de commerce. Coexistent alors deux systèmes de formalités pour des formalités différentes, ces deux systèmes n’étant pas fait pour fonctionner simultanément. Cette procédure de secours a été prolongée jusqu’en 2024.

En 2023, un rapport de la Cour des comptes[i] pointe notamment des « complications techniques pour réaliser les formalités », des « spécificités fonctionnelles du portail non adaptées », l’« impossibilité de valider ses formalités » ou encore des « formalités non transmises voire refusées par les destinataires ».

Ces dysfonctionnements ont entrainé de graves conséquences pour les entreprises prenant du retard dans leurs formalités, dans leur embauche, dans leurs emprunts, dans leur début d’activité.

Ils sont expliqués dans le rapport de la Cour des comptes notamment par le défaut de préparation du projet : « La loi PACTE n’a pas été précédée d’une analyse suffisamment approfondie des impacts et des modalités de mise en œuvre de la réforme ».

A ce jour, aucune solution adéquate n’a été adoptée pour permettre de pallier les difficultés.

Les professionnels se sont insurgés. Pour preuve la question ci-après posée au ministère de la justice et résumant la situation.

« Dysfonctionnement du guichet unique de l'institut national de la propriété industrielle[1]

Question écrite

Question écrite n°12367 - 16e législature

Les informations clés

Auteur de la question

BILLON Annick

Type de question

Question écrite

Ministre interrogé(e)

M. le garde des sceaux, ministre de la justice

Question réattribuée à

M. le garde des sceaux, ministre de la justice

Date(s) de publication

  1. Question publiée le 27/06/2024

Question de Mme BILLON Annick (Vendée - UC) publiée le 27/06/2024

Mme Annick Billon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les dysfonctionnements importants rencontrés par les avocats et les entreprises dans l'accomplissement des formalités administratives via le guichet unique de l'institut national de la propriété industrielle (INPI).
Depuis le 1er janvier 2023, toutes les formalités doivent exclusivement être effectuées en ligne sur le site de l'INPI. Ce guichet unique est chargé de diriger les demandes auprès des organismes concernés pour réaliser les formalités de création, modification, cessation d'activités, ou dépôt des comptes.
Les différents logiciels utilisés par l'INPI sont inexploitables, incongrus dans leurs demandes, ou entraînent des erreurs graves de traitement, telles que la radiation d'entreprises ou le transfert de sièges sociaux à des adresses incorrectes. Par ailleurs, les démarches effectuées par les greffes ne sont pas correctement transmises aux autres organismes, ce qui empêche l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de délivrer les numéros siret nécessaires ou entraîne des modifications sans motif des numéros existants.
Cette situation entraîne des conséquences graves sur le fonctionnement des entreprises et des cabinets d'avocats : les entreprises sont bloquées pendant des mois sans numéro siret, ce qui empêche l'immatriculation de véhicules ou le dédouanement des marchandises, et les extraits Kbis - nécessaires pour contracter avec des partenaires et passer des commandes - sont délivrés avec des délais de traitement de deux à trois mois.
Un rapport de la Cour des comptes, publié en décembre 2023, fait également état de ces dysfonctionnements et se montre pessimiste sur l'avenir de la plateforme : « les conséquences d'une réforme insuffisamment préparée et mal conduite pourraient donc se faire sentir pendant plusieurs années sans avoir apporté aux entreprises la simplification attendue » (p.11).
Aussi, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour remédier à ces dysfonctionnements et permettre aux entreprises de retrouver des conditions de travail normales et sereines.[2] 
»

Les barreaux se sont également fait entendre[3], demandant au ministère de
« – de cesser de tester son nouveau logiciel sur l’ensemble des acteurs économiques nationaux ;
– et tant que toutes les difficultés techniques n’auront pas été résolues, de conserver la plateforme INFOGREFFE en service pour les cessations et modifications et de remettre en service la plateforme INFOGREFFE pour les immatriculations, pour permettre aux Avocats de continuer à réaliser leurs formalités directement avec les Greffes dans l’intérêt de leurs clients 
».

Les formalistes eux-mêmes font un état des lieux remontant les difficultés rencontrées.[4]

« Plongez dans l’univers mouvementé du Guichet unique des entreprises et du répertoire national des entreprises (RNE). Ces plateformes visent à révolutionner la gestion administrative des entreprises en France. Mais derrière cette ambition se cachent une série de bugs et de défis techniques, semant parfois la confusion parmi les entrepreneurs et les formalistes ».

Ils citent les différentes difficultés remontées :

  • les rejets des dossiers pour des motifs erronés ;
  • l’impossibilité de recourir au Greffe du Tribunal de Commerce pour corriger ou obtenir des explications sur des dossiers ;
  • la non-prise en charge de certaines formalités ;
  • les délais sans fin.

Tous les acteurs de ce secteur œuvrent pour qu’il soit remédié à la situation et dans l’intervalle, essaient de s’adapter au mieux à cette nouvelle situation insensée qui tend encore plus la vie de nos entreprises.


[1] https://www.senat.fr/questions/base/2024/qSEQ240612367.html

[2] Publiée dans le JO Sénat du 27/06/2024 - page 2934, Transmise au Ministère de la justice

[3] https://www.barreaulyon.com/espace-particuliers/actualites/actualites-du-barreau/graves-dysfonctionnements-persistants-du-guichet-unique-des-entreprises/

[4] https://www.legalvision.fr/cabinet-formalites-juridiques/tribune-juridique/guichet-unique-rne-solutions-bugs/


[i] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-guichet-unique-electronique-des-formalites-des-entreprises-un-projet-securiser

Valérie TAZÉ