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Héberger ne veut toujours pas dire contrôler

Date de publication 09-04-2024
Auteur Chloé Prault

S’estimant victime depuis mars 2021 d'annonces frauduleuses usurpant son identité diffusées sur le site internet <leboncoin.fr>, la société Olivo, fabricant de solutions isothermes, a assigné en référé l'hébergeur de ce site afin d'obtenir leur suppression et l’interdiction pour l’avenir de diffuser des annonces d’utilisateurs qui créeraient des comptes en renseignant sa dénomination sociale, son RCS et son IBAN en vue d’établir de faux devis et de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime.

Si les juges lyonnais ont accueilli une telle demande, la Cour de cassation a balayé l’arrêt d’un revers de manche en faisant une application stricte et littérale de l’article 6 I.2, I.5 et I.7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 (LCEN), dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020.

La Haute Juridiction rappelle ainsi que si l’autorité judiciaire peut prescrire toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, elle ne peut pas soumettre l’hébergeur (ou le fournisseur d'accès à ces services), à une obligation générale de surveillance des informations qu'il transmet et stocke ou de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, qui l’obligerait à procéder à une appréciation autonome du contenu des annonces.

En d’autres termes, l’hébergeur n’a toujours pas à agir à titre préventif puisqu’il ne peut contrôler subjectivement l’illicéité des contenus. Il ne saurait lui être reproché de permettre l’accès au public d’annonces frauduleuses, sauf à démontrer :

- qu’il a effectivement connaissance du caractère manifestement illicite des activités/informations stockées ou de faits et circonstances faisant apparaître un tel caractère (aux termes d’une procédure de notification que doit strictement mettre en œuvre la victime) ; ou

- qu’il n’a pas agi promptement pour retirer ces données ou rendre l’accès impossible une fois qu’il a eu cette connaissance.

L’hébergeur a donc encore de bons jours devant lui avant que le principe d’irresponsabilité civile et pénale dont il bénéficie ne soit mis à mal.

D’ici là, on ne peut qu’inciter les entreprises et les particuliers à redoubler de vigilance et à maintenir une veille accrue sur ces plateformes pour notifier dès que possible le contenu illicite à l’hébergeur afin de le mettre en position de ‘connaissance effective’, point de départ pour qu’il agisse.