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Garantie d’actif et de passif et application dans le temps

Date de publication 29-01-2025
Auteur Marie Chainay

Le caractère limité des garanties légales en cas de cession de titres de société conduit les acquéreurs à solliciter des cédants qu'ils certifient l'exactitude des renseignements fournis et du bilan ayant servi de base à la détermination du prix de cession, les cédants s’engageant à prendre à leur charge les nouveaux passifs ou diminutions d’actifs qui viendraient à se révéler après la cession.

1) La détermination de l'antériorité du passif garanti s'effectue au regard de son fait générateur, non de sa date d'exigibilité.

Un arrêt récent de la Cour d’Appel de Rennes fourni une parfaite illustration (CA Rennes 3-12-2024 no 23/02376, Sté C2R Holding c/ Sté des transports Maurice Bouvier). Le cas d’espèce interroge sur le point de savoir si les indemnités de licenciement dues à un salarié licencié pour inaptitude après la cession en raison d’un accident survenu avant sont couvertes par une garantie d’actif et de passif. En d’autres termes, l’indemnité due au salarié licencié pour inaptitude est-elle causée par le licenciement ou par l’accident à l’origine de l’inaptitude ? La Cour d’Appel a jugé que le licenciement n’était pas dû à l’inaptitude du salarié sur son poste, elle-même causée par l’accident, mais à l’impossibilité de reclassement dans la société, qui est quant à elle postérieure à la cession. Le nouveau passif généré par ce licenciement n’est donc pas couvert par la garantie.

Il en aurait été différemment si la société avait été dispensée de son obligation de reclassement, compte tenu des termes de l’avis du médecin du travail (Cass. com. 6-7-2022 no 21-11.483).

2) L’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes susvisé illustre par ailleurs un autre sujet de conflit dans l’application de la garantie, relatif aux délais de mise en œuvre.

Les garanties prévoient en général une obligation d’information du cédant à la charge de l’acquéreur, portant sur tout événement susceptible d'entraîner la mise en jeu de la garantie, de sorte que le cédant puisse faire valoir ses arguments et prendre part à la défense de la société dont les titres ont été cédés.

Cette obligation est en général encadrée par des conditions de forme (lettre recommandée AR) et de délai, dont le non-respect est susceptible d’entrainer la déchéance de la garantie. La rédaction du professionnel est ici essentielle : à défaut d’avoir prévu une telle clause de déchéance, ce sont les juges du fond qui apprécieront souverainement si elle est encourue par l'acquéreur du seul fait de l’absence ou du retard d’information du cédant, certains recherchant toutefois si ce dernier a supporté un préjudice de ce fait.

Par ailleurs, à défaut de préciser dans l’acte la date à retenir comme point de départ du délai d’information, la Cour de cassation fait application des règles édictées par l’article 688 du Code de procédure civile pour les notifications par voie postale : date de l’expédition à l’égard de la partie qui procède à la notification, et date de réception à l’égard de son destinataire (Cass. com. 6-11-2024 no 23-17.551). Dans le cas d’espèce examiné par la Cour, le cédant faisait valoir que le délai courrait à compter de la réception de la notification, l’acquéreur soutenant qu’il courrait à compter de l’envoi de la lettre recommandée. La garantie prévoyant expressément que la notification serait « réputée avoir été faite à la date de la première présentation », c’est bien ce point d’équilibre contractuel qui a été retenu par les juges.

De l’importance de veiller à la rédaction précise des modalités de mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif et des conséquences de leur inexécution …

Marie CHAINAY