La réponse, négative, est classique : le non-respect du plan de redressement ne justifie pas la résolution du plan et l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
Si la solution s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence établie en la matière (Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 juin 2021 n° 20-14.101), l’arrêt de la Cour d’appel de DOUAI se distingue par les explications limpides apportées au problème de droit posé.
En effet, après avoir rappelé les dispositions de l’article applicable en matière d’inexécution d’un plan de redressement (article L. 626-27, I du Code de commerce), la Cour d’appel retient que :
« Ce texte, applicable au redressement judiciaire, prévoit deux causes distinctes de résolution d'un plan :
- l'inexécution de ce plan par le débiteur ;
- ou l'apparition d'un nouvel état de cessation des paiements en cours d'exécution du plan.
Ces deux causes de résolution ne doivent pas être confondues.
Dans la première hypothèse prévue à l'article L. 626-27, I, alinéa 2 (i.e. le non-respect des engagements prévus au plan), les juges du fond disposent d'une simple faculté de résolution du plan, qui relève de leur pouvoir souverain d'appréciation, quand bien même ils constateraient l'inexécution par le débiteur de ses engagements dans les délais fixés par le plan (v. not. : Cass., Com. 30 juin 2015, n° 14-16543 ; Com. 28 févr. 2018, n° 17-10289). Autrement dit, dans ce cas, la résolution du plan ne s'impose pas aux juges.
En outre, cette première cause de résolution du plan est subordonnée à une seule condition : le constat de l'inexécution de ses engagements par le débiteur (Cass., Com. 24 juin 2008, n° 07-13720). Les juges ne sont pas tenus de rechercher si cette inexécution revêtait un caractère suffisamment grave (Cass., Com. 30 juin 2015, n° 14-16544), ni de constater l'état de cessation des paiements (Com. 16 déc. 2008, n° 07-17130, publié ; Cass., Com. 18 mai 2016, n° 14-24313).
Surtout, selon une jurisprudence constante, si, concomitamment à la résolution du plan fondée sur cette première cause, les juges peuvent ouvrir une liquidation judiciaire, c'est toutefois à la condition qu'ils caractérisent la cessation des paiements du débiteur (V. not. : Com. 13 déc. 2017, n° 16-21159 ; Com. 9 sept. 2020, n° 18-23615), que l'article L. 631-1 du code de commerce définit comme « l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. » La cessation des paiements doit alors être appréciée à la date à laquelle les juges statuent, soit à la date de l'arrêt de la cour d'appel si un recours a été exercé contre une décision de première instance, mais elle n'a pas à être constatée au cours de l'exécution du plan (Cass., Com. 31 mai 2016, n° 13-14109).
Le seul défaut de respect du plan n'établissant pas, à lui seul, la cessation des paiements, encourt la cassation la décision qui prononce la résolution du plan pour inexécution de celui-ci et ouvre une liquidation judiciaire sans analyse, même sommaire, de l'actif disponible à la date de sa décision (Cass., Com. 2 juin 2021, n° 20-14101).
En revanche, lorsque la résolution du plan est basée sur la seconde cause prévue par l'article L. 626-27, I, alinéa 3 (i.e. la survenue d'un nouvel état de cessation des paiements), les juges du fond ne disposent d'aucune marge d'appréciation et sont tenus de prononcer de la résolution du plan.
La résolution du plan est, dans cette seconde hypothèse, subordonnée à une seule condition : la caractérisation de la cessation des paiements (v. not. : Com. 9 sept. 2020, n° 18-23615 ; Cass., Com. 2 juin 2021, n° 20-14101), qui doit être constatée au cours de l'exécution du plan comme au jour où la cour d'appel statue (V. not. : Com. 8 janv. 2020, n° 18-16295 ; Com. 1er juill. 2020, n° 18-23552). Cette caractérisation suffit à justifier la résolution du plan et le prononcé concomitant de la liquidation judiciaire, et ce alors même que le débiteur aurait régularisé tous les dividendes impayés (Cass., Com. 8 mars 2017, n° 15-17.691 ; Com. 8 janv. 2020, n° 18-16.295). Autrement dit, les juges n'ont pas à rechercher si le plan a été, ou non, correctement exécuté par le débiteur (Cass., Com. 8 mars 2017, précité).
En outre, toujours dans cette seconde hypothèse de résolution, lorsque le plan résolu est un plan de redressement (et non de sauvegarde), l'article L. 631-20-1 du code de commerce impose l'ouverture d'une liquidation judiciaire (Cass., Com. 30 juin 2015, n° 14-16544). Néanmoins, il n'est alors pas nécessaire que les juges caractérisent l'impossibilité manifeste du redressement (Cass., Com. 30 juin 2015, n° 14-16543), à l'inverse de ce qu'exige l'article L. 640-1 en cas d'ouverture d'une liquidation judiciaire dans des conditions « classiques. »
Les juridictions ne peuvent donc pas prononcer la résolution du plan et ouvrir une liquidation judiciaire au seul motif de l’inexécution du plan, sauf à caractériser un état de cessation des paiements.
Cour d'appel, Douai, 2e chambre, 2e section, 17 Octobre 2024 – n° 24/01653